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101.
ร un รขge encore un peu trop tendre pour tout cela, elle scrutait sa garde-robe, dรฉsespรฉrรฉe ร lโidรฉe de ne rien trouver dโassez noir pour un enterrement. Quโimportait quโelle nโait jamais vu le disparu, ce nโรฉtait pas lui quโelle pleurait, cโรฉtait son fils quโil fallait รฉpauler, aussi maladroitement que possible. Un fils qui รฉtait son ami, ร elle qui hรฉsitait entre deux pantalons sans savoir, vraiment, quel protocole est indiquรฉ, quelle mine il est de bon ton dโarborer.
รvidemment, une fois devant la foule sombre il nโy avait plus ni doute ni choix, il รฉmanait du groupe une telle tristesse quโelle se sentait comme opprimรฉe. Elle cherchait des yeux des visages quโelle aurait connus, dans une autre vie, qui auraient changรฉs pendant les quelques annรฉes qui les avait รฉloignรฉs, ce fils, cet ami, et elle. Ils รฉvitaient soigneusement tous les regards, mais surtout ils รฉtaient remarquablement peu nombreux, ceux qui avaient fait le dรฉplacement. ร lโรฉpoque, il รฉtait le centre de toutes les attentions, avec ses cheveux longs et sa voix dรฉjร grave, ce charisme magnรฉtique. Elle repensa ร sa mรจre qui avait ironisรฉ, ยซ ma fille, cโest quand il pleut que tu constates quโil nโy a personne pour tโaider ร tenir ton parapluie ยป. Son cลur se serra encore plus fort, ce nโรฉtait plus dรฉsormais quโun nลud grouillant dโune terreur sourde. Que devient-on quand on perd son pรจre ? Le visage du sien, bien vivant, sโimprima dans sa rรฉtine, elle retint un soupir de soulagement, indรฉcent et dรฉplacรฉ.
Lโoffice lui parut interminable, elle รฉtait loin de son ami, elle nโรฉtait pas du tout ร sa place, elle nโavait dโailleurs pas de place ici. Elle envisagea de partir, mais il รฉtait impossible de le faire sans gรชner, sans se faire remarquer. Et quand le cercueil sโabaissa elle surprit des larmes qui perlaient ร ses paupiรจres. Incomprรฉhensibles et รฉphรฉmรจres, elles roulรจrent tandis quโelle observait, la gorge nouรฉe elle aussi, son ami retenir et contenir en lui un dรฉsespoir dรฉchirant, qui retentissait ร ses tympans bien plus fort que nโimporte quel cri.
Enfin, tout se termina, abruptement, comme se termine une vie peut-รชtre. Elle sโavanรงa vers la famille endeuillรฉe sans savoir ce quโelle dirait. Sincรจres condolรฉances รฉtait trop pompeux et ampoulรฉ. Je suis dรฉsolรฉe ne couvrait pas un dixiรจme de la peine qui la criblait devant les silhouettes vides qui lui faisaient maintenant face. Bon courage รฉtait bien trop cynique. Elle nโavait aucun mot aux lรจvres quand enfin elle se retrouva devant celui qui avait รฉtรฉ un ami, du genre un peu lointain avec qui on rigole bien, mais toujours une partie de son paysage. Elle nโeut rien ร dire. En la voyant, il entoura de ses grands bras et la serra contre elle dans une รฉtreinte dont elle รฉtait le soutien, lโarmature โ sous ses mains elle sentait les รฉpaules de son ami secouรฉs de sanglots incontrรดlables. Il pleura longtemps sans rien dire, et quand enfin il la lรขcha, il laissa รฉchapper un ยซ merci ยป, ses yeux un peu moins vides rivรฉs aux siens.
Des annรฉes plus tard, ce souvenir la rรฉveillerait souvent. Au beau milieu de la nuit, elle se demanderait ce quโavait voulu dire ce merci, alors que le corps endormi de cet ami dโalors, cet amant de maintenant, reflรฉtait dans le miroir les lueurs dโรฉbats amoureux ร peine terminรฉs.
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