100.

Le printemps éclot chaque année au moment où on ne l’espérait plus vraiment. On s’était habitué, aux grosses mailles, aux nuits éternelles et aux frissons du chaud et froid, à se battre avec les thermostats, à guetter une neige qui n’arrive pas. Et d’un coup, le soleil redevient ce copain qui parle un peu trop fort pour bien montrer qu’il est là. Il se débarrasse de sa timidité, nous de nos manteaux épais, on se retrouve sur les terrasses et autour des verres qu’on entrechoque en rentrant un peu le cou dans les épaules parce que la fraîcheur du soir finit quand même par pénétrer nos os, le soleil s’attable avec nous, il passe ses rayons autour de nos épaules et nous promet bientôt, entre deux cafés qu’on reprend ou deux bières qu’on hésite à reprendre, des peaux nues et des sandales.

Cet après-midi j’avais encore ce gros blouson et pour la première fois depuis des mois, dans mes bottines d’hiver j’avais trop chaud. Devant moi une fille avançait d’un pas décidé, ses longs cheveux frisés moirés de la rousseur que seul un ciel bleu peut conférer. Elle ne portait qu’un pull un peu large et un pantalon blanc, on voyait ses chevilles, la droite ornée d’une petite chaîne argentée. Je crois que cette fille, dont je n’ai pas vu le visage, c’était elle, le printemps.

Volontaire, elle allait de l’avant, le regard rivé sur l’horizon — de belles journées, d’arbres en fleurs, de la saveur amère des martini bianco et des blessures qu’on partage pour mieux les panser ensemble.


Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *