99.

Jโ€™ai vu trois amies sur le quai du mรฉtro, elles sโ€™attiraient lโ€™une ร  lโ€™autre pour se faire la bise, elles รฉtaient jeunes comme on lโ€™a tous un jour รฉtรฉ. Dโ€™un coup dโ€™un seul je me suis sentie ร  leur opposรฉ, sur lโ€™autre pรดle, je nโ€™รฉtais plus vraiment de leur cรดtรฉ de la barriรจre. Avec ma bague au doigt et mes fiches dโ€™impรดts, je me suis demandรฉ oรน sont passรฉes mes grandes annรฉes, mes belles annรฉes, ร  douter mรชme quโ€™elle ait existรฉ, cette รจre bรฉnie de lโ€™insouciance aux bises sonores. Jโ€™ai dรฉjร  des cheveux blancs et parfois, je ne sais pas mes mouvements si lents sont le fruit dโ€™une certaine sagesse de savoir prendre le temps, ou dโ€™une lassitude grandissante, celle des vieilles personnes, la lassitude quโ€™on attrape comme un rhume quand on est ร  peu prรจs persuadรฉ quโ€™on nโ€™a plus besoin de rien de nouveau. Quโ€™on a tout, lร , sous la main.Jโ€™ai regardรฉ ces trรจs jeunes filles en songeant que je nโ€™ai jamais vraiment รฉtรฉ comme elles.

Soudain alors, jโ€™ai rรฉalisรฉ que je nโ€™avais pas encore croisรฉ de jeune fille qui eรปt pu รชtre ยซ moi il y a 10 ans ยป. Je nโ€™ai pas dรป faire suffisamment attention, ouvrir suffisamment les yeux. Nโ€™allons pas croire que jโ€™รฉtais un phรฉnomรจne rare, ร  peine une invisible timiditรฉ, il fallait ouvrir grand les yeux pour mโ€™apercevoir ร  travers ma transparence, toujours loin du centre, jamais concentrรฉe. Dans ce dรฉsir dโ€™รฉvanescence peut-รชtre espรฉrais-je devenir lรฉgรจre, lรฉgรจre, me perdre comme un volute de fumรฉe, et quelle nโ€™a pas รฉtรฉ ma surprise un beau jour de constater la gravitรฉ avec laquelle je me mouvais. Maintenant les pieds fermement sur terre, je me demande qui jโ€™aurais pu devenir, si un jour jโ€™avais รฉtรฉ une de ces trois amies, sur le quai du mรฉtro, intensรฉment frivole et sรฉrieusement insouciante.


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