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19.
On sโest retrouvรฉ devant la gare et on a traversรฉ la rue, le cafรฉ รฉtait petit, il y avait des muffins aux myrtilles, je me suis sentie รฉtrangement grande. Comme cโรฉtait bizarre, de retrouver mon pรจre le temps dโun cafรฉ. Parce quโavant il รฉtait toujours lร , je rentrais le soir le sac lourd de devoirs et lโestomac dans les talons, il mโattendait devant la sortie de lโรฉcole et on allait prendre un goรปter, le weekend je me levais des heures aprรจs lui, il y avait toujours du pain au chocolat, et parfois on regardait Stargate SG1 ensemble devant la petite tรฉlรฉ cathodique.
Maintenant il mโattend toujours, ร la sortie de la gare quand le weekend je retrouve le chemin de mon ancien foyer, maintenant on se retrouve le temps dโun cafรฉ. Parce que je suis encore une petite fille, cette fois-ci jโai pris un mocha, plein de crรจme fouettรฉe et de chocolat, jโimagine que je nโรฉtais pas encore prรชte ร ce que mon papa me paye un expresso ou un americano, ce que je bois habituellement quand je vais dans un cafรฉ. Mon papa, il doit me payer des chocolats chauds, des crรชpes au sucre, des Magnum double caramel avant la sรฉance de cinรฉma en plein air, pendant les vacances dโรฉtรฉ. Pas des cafรฉs noirs et sรฉrieux. Alors jโai aussi pris un muffin aux myrtilles, oui, on sโest assis au coin dโune table pleine de miettes, des retrouvailles dโadultes.
On a parlรฉ de lui et cโรฉtait presque nouveau aussi.
On sโest dit au revoir sur le quai de cette gare, pour une fois ce nโรฉtait pas moi qui repartais mais bien lui, cโรฉtait ma gare, ma ville, mes repรจres, cโรฉtait lui qui se glissait dans un wagon un peu pourri, pour retourner chez lui โ chez nous โ lร -bas. Avant quโil saute dans le train en prenant garde ร la distance entre le marchepied et le quai, on discutait de nos projets, de nos histoires, de nos manuscrits ร imprimer ร sโรฉchanger et ร relire. On discutait comme des grands, oh, comme cโรฉtait bizarre. Dans ma tรชte a dรฉfilรฉ toutes ces fois oรน il mโa emmenรฉe ร Ikea acheter des meubles pour mes nouveaux chez-moi, les angoisses que jโai partagรฉes avec lui au clair de lunes impitoyables, les tristesses taciturnes que nous รฉchangeons parfois. On se ressemble tant, lui et moi.
Dans son sourire je vois la fiertรฉ quโil a dโรชtre mon pรจre ร moi, je sens ce lien pas tรฉnu du tout, de ce qui nous rassemble et continuera ร nous tisser. Jโai le coeur blessรฉ battu rompu de nโรชtre plus la petite fille quโil portait dans ses bras avec prรฉcaution pour me mettre au lit quand je mโendormais devant la tรฉlรฉ. Je me rรฉveillais au milieu de la nuit, รฉmerveillรฉe dโavoir transplanรฉ, il y a une magie de lโenfance qui me manque terriblement. Et jโai le cลur gonflรฉ de joie dโรชtre toujours sa petite fille quand mรชme, celle quโil regarde grandir du coin de lโoeil sans en avoir lโair, sans jamais dรฉpasser mes frontiรจres, qui sont peut-รชtre aussi les siennes. Que cโest donc de pouvoir dire : ยซ Je tiens tant et tout de toi, papa ยป.
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