3 mois

« Sommes-nous capables, nous qui vous avons invitées dans ce monde, de nous engager à ne pas vous éteindre […] ? »

Martine Delvaux, Pompières et pyromanes (Les Avrils, 2022)

Je vis dans le canap’ depuis 3 mois. Fatigue extrême, immobilisme, je suis terrassée par l’hypersomnie, le Covid et la déprime. Hier, à 13 semaines, j’ai eu l’énergie de mettre mon corps à l’épreuve, pour de vrai : je suis allée faire du bénévolat pour mon asso lors d’un événement. Debout ou mal assise de 15h30 à 22h30, je me suis baissée pas mal, j’ai tenu une buvette.

À la fermeture, j’ai demandé à une copine de me ramener en voiture. J’avais mal environ partout et je ne me voyais pas retraverser la moitié de la ville à pieds. Ça m’aurait pris 40 minutes au lieu de 20, il faisait froid. J’avais mal. J’ai très mal dormi, pleine de douleurs. Pas mal douillé aussi aujourd’hui, en conséquence. Et si hier j’avais plutôt la pêche (cœur sur les copines qui ont applaudi ma présence jusqu’au bout alors que j’avais prévu de rentrer à 20h max), aujourd’hui je suis vi-dée.

Étrangement, hier c’était la première fois que je me suis sentie vraiment enceinte. Et pas juste fatiguée. J’ai senti mon ventre peser plus lourd, mon corps être limité, j’ai comparé ce que je pouvais faire, par rapport à l’événement de la dernière fois — j’étais si agile, autrefois.

Pour l’instant, je ne suis pas fan de la grossesse. Mais il se passe un truc fascinant, que je n’avais pas anticipé : même les trucs nuls, je les traverse avec intérêt.

Pas un émerveillement énamouré, oh non. Mais je vis les expériences de la grossesse avec attention, avec une écoute exigeante. Je note ce que je n’aime pas, ce qui me plaît, ce qui me fascine — c’est vraiment le mot que j’associe à mon expérience jusqu’à maintenant. Je ne suis pas fan, mais je suis présente. J’ai l’impression d’être en cours de biologie : j’étais nulle dans cette matière mais j’étais avide de tout savoir. Je ne suis pas la femme enceinte de l’année, je fais tout de travers (je râle, je paresse, je grossis, je mange mal, je dis que boire une bière à 0,3 % une fois par trimestre c’est peut-être pas si grave et je me fais attraper la veste), mais qu’est-ce que je suis attentive.

Je suis tellement attentive que je note aussi :

Tiens, il m’a fallu un corps en capacité de se mouvoir presque comme avant pour sentir tout au fond de moi et de ce qui n’était plus comme avant : c’est ça, je suis enceinte.

Tiens, je pensais que je parlerais à mon bébé dès le départ mais je n’en ai pas encore envie. Je tisse le lien évident entre ce point et le précédent, et je ne me juge pas. Je sais bien que je finirai par l’appeler par son prénom, par lui raconter ma vie – et cette petite chose aura toute la sienne pour m’entendre radoter. Courage, bébé.

Tiens, je ne me savais pas si sereine.


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Commentaires

Une réponse à “3 mois”

  1. Je trouve ta façon te raconter cet « état » extrêmement touchante.
    Au-delà d’un état, la grossesse est un ressenti qui ondule comme un océan aux vagues changeantes. C’est précieux de garder quelques traces de cette traversée. Pour toi. Pour les autres aussi.

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