Il y a un espace très intime, entre toi et moi, dans cette toute petite pièce qu’on appelle notre cuisine. Elle est comme nous, la cuisine, ouverte sur le monde mais aussi toute repliée sur elle-même, en creux. Un petit moulin par lequel on rentre, une porte d’entrée, un lieu de passage, de vie aussi. La cuisine c’est chez moi, mais quand c’est aussi chez toi, il y passe des ondes d’un quelque chose d’aussi blanc que la farine des cookies avant de mettre le sucre dedans. Quand on se tourne le dos, toi à la vaisselle et moi devant la planche à découper, nos êtres se frôlent et se respirent. C’est un partage mutuel et tacite, un silence qui en dit long. On écoute ma musique, ou bien ton podcast, sans trop rien dire ou alors en chantant, ou alors en dansant. C’est deux courants dans l’océan, qui se rencontrent et s’enroulent, contraires, complémentaires. Notre valse est presque sans saccade, notre accord est parfait. Le cœur léger on observe, chacun notre tour à la dérobée, cet endroit dans nos nuques où se logent les baisers. De profil ton sourire est renversant, il est si facile, si tranquille, d’avoir envie de passer la main dans ton dos.
Et c’est à la fois dérisoire et bien trop vrai, de te dire que je t’aime plus que les frites, que les myrtilles, plus que la raclette et les sablés conjugués.
Dans la cuisine on se trouve, on se retrouve, sas de décompression entre le dehors, son odeur particulière d’altérité et de tumulte, et notre intériorité aux teintes familières, qui n’est tout de même pas sans ses propres pièges, ses propres dangers. Ici on dépose tout ce qui ne nous rend plus service. Ici, quand ça bouillonne et que ça déborde, on vient baisser le feu.
Dans la cuisine, aussi, bien sûr, on se nourrit. On fabrique de nos mains les repas qu’on mange ensemble et on fabrique, dans cet interstice, cet espace très intime, quelques pièces du puzzle que nous formons tous les deux. Aussi bien côte à côte et les mains dans le même pétrin, que lorsqu’on se tourne le dos, sans jamais oublier où se logent nos baisers.
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