Un prétexte

Je prends le clavier ici pour ne pas le prendre ailleurs. Cela fait quelques jours que j’ai envie de vous parler de ce qui se passe à chaque fois que je ne publie pas ici et que je n’écris pas ailleurs, et je me dis que ça ne vous intéresse pas forcément. Et puis une bookstagrammeuse que je suis, Beth McCallum, a décidé de parler de son aventure d’écrivaine sur son blog et je me suis dit allez. Après tout. Un prétexte, donc, puisqu’il y a ces quelques 150 pages reliées d’énormes anneaux en plastique blanc, qui attendent que je les tourne, les torde et les révise. Je vous parle et alors je les parcours pour vérifier mon avancement. Page 53. Bon. Pas tout à fait autant que je l’espérais. Et comme il n’est pas encore 9h et que j’ai du temps à tuer, que mon café est encore chaud, mes lunettes pas encore retrouvées (c’est à ce moment-là que commence vraiment la journée), j’ai envie de vous raconter, moi aussi.

L’an dernier, à environ la même date, je me préparais pour le NaNoWriMo. Un rituel, une habitude, rien peut-être ne devait ressortir de cette sixième tentative d’écrire quelque chose qui se tienne, du début à la fin. 1er novembre, j’ai écrit les premiers mots de mon (premier ?) roman. Pendant les 30 jours réglementaires, j’ai écrit plus des 50 000 mots réglementaires. Novembre a fini mais mon roman ne l’était pas, alors avec beaucoup de peine, je me suis promis de le terminer avant la fin de l’année 2017. J’ai réussi, avec une fierté indescriptible. Quand j’ai pu, enfin, écrire fin, vous n’imaginez pas (bon, peut-être que si, vu que j’avais écrit un article dessus je crois). Pour la première fois, la toute première fois, j’étais allée du début à la fin d’un projet personnel sans me débiner.

Je me fourrais le doigt dans l’œil, en pensant que c’était la fin de quoi que ce soit. J’avais dans les mains 155 pages brutes de décoffrages, écrites pendant des heures parfois désespérées, par à-coups, par explosions de mots souvent malhabiles. Le gros du travail allait venir après. Quand j’aurais décidé de m’y replonger, pour rendre à ce manuscrit un visage humain. Je ne sais pas ce qui a changé, à quel moment ça a cliqué à l’intérieur de moi, à quel moment j’ai arrêté de penser « j’écris pour moi et c’est probablement nul » pour penser « c’est peut-être nul mais j’ai envie de publier ce roman ». C’était il y a plus de neuf mois et c’est la première fois que j’en parle aussi ouvertement ici. Et je n’ai toujours pas accouché de la version finale de mon bébé encore très indigeste. Bon.

Alors je fais quoi ? J’essaye de me rappeler que des personnes que j’estime (des amies, des parents) ont lu ce premier jet-bouillie et l’ont trouvé assez intéressant pour me conseiller d’y retourner. D’en faire quelque chose. J’essaye de corriger un chapitre par semaine, peut-être deux. J’essaye de me mettre la pression, mais en dehors du cadre privilégié du NaNoWriMo, quand des milliers d’autres personnes écrivent et se battent pour écrire, j’ai un peu de mal à trouver l’énergie pour venir au bout de ce qui ressemble de plus en plus à une bataille perdue. Parce qu’après un an à avoir le nez dedans, ce manuscrit commence à me sortir par les oreilles. Il est infiniment difficile de naviguer entre les mots écrits il y a si longtemps, pour essayer de les raffiner, de les rendre plus agréables, les infuser d’un sens plus fort, les réarranger comme on refait encore et encore les mêmes pièces d’un puzzle pour arriver à un résultat un peu différent.

J’ai peur d’arriver jusqu’au bout et de trouver ça toujours mauvais. J’ai peur de ne pas y arriver et d’avoir mis tant d’énergie pour un résultat si décevant. J’ai peur d’y arriver et que personne ne veuille publier mon histoire. J’ai peur qu’on publie mon histoire et que personne ne l’aime. J’ai peur de l’échec comme j’ai peur du succès, triste histoire de ma vie.

Mais tout ça n’a aucune importance, puisque rien n’est terminé. Alors je vais cliquer sur publier ici, boire une grande gorgée de café, retrouver mes lunettes, et rouvrir mon document. Avant ce midi, j’aurai corrigé un autre chapitre, et avant fin octobre, j’aurai essayé, au moins, d’avoir fini de corriger l’intégralité de ce roman. Maintenant que vous êtes dans la confidence, je ne peux plus me débiner.

Merci pour votre accueil chaleureux de la nouvelle infolettre ! Pour celleux qui souhaitent s’y inscrire, c’est possible en permanence dans le formulaire sur la page d’accueil. Je prévois d’envoyer un à deux mails par mois, si tout se passe bien. Le contenu y est complémentaire à ici, ce serait comme un petit article de blog bonus, juste pour vous (et moi). Bises.


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Commentaires

19 réponses à “Un prétexte”

  1. […] putain c’est dur. J’en avais parlé dans cet article, c’est vraiment dur, mais je m’étais fixé comme objectif de terminer cette […]

  2. Delphine

    Tu as bien raison Pauline d’avoir publié ce billet et de vouloir avancer avec ce projet formidable, toi qui écris si bien! Ça me semble tout à fait normal d’avoir peur, mais tu t’enlèveras le poids du doute, qui est sûrement bien plus lourd que toutes tes craintes réunies. Donc go go go! Nous sommes là pour te soutenir!

  3. Bonjour !
    Je passe souvent par ici mais je crois que je n’ai jamais commenté. J’aime beaucoup tes billets de lecture, et aussi ceux de cuisine !! Grâce à toi je me suis mise au batch cooking 😉

    Ce que tu écris ici m’est familier, j’ai vécu à peu près la même expérience que toi. J’ai terminé en janvier 2018 mais maintenant, il y a ces 300 pages qui attendent, énormes, d’être revues et polies et je suis découragées. J’ai donné mon texte à lire à 4 beta-letrices et… personne ne m’a fait de retour! Je sais que mon histoire est longue et demande beaucoup de temps pour être lue et corrigée, je sais que mes beta lectrices ont des vies prenantes et un boulot, un mec, parfois des enfants, bref, le tourbillon quotidien qu’on connait tous. Mais quand même, ça me fait un peu peur ce silence, de leur part! Tu devines les doutes, les remises en questions, l’auto-bashing… bref, dur dur de donner naissance à un texte qui nous prend tout – temps, tripes, cœur – et de laisser cette création vivre sa vie, faire ses rencontres, échouer… Comme avec un « vrai » bébé, on a envie de le garder pour nous tout autant qu’on a envie de le montrer au monde. On a peur de mal faire, on se dit qu’il aurait mieux valu ne rien faire du tout. En t’écrivant ici, je me rends compte que ce que je pense de mon roman est terriblement similaire à mes doutes de jeune maman.
    Sache que j’aimerais beaucoup être une bêta lectrice de ton texte, et que je compatis à tes doutes, ton découragement face à la montagne de travail de correction qui est, en réalité, le début de la fin de l’écriture, et que je serai très heureuse d’échanger avec toi sur ce sujet si passionnant. J’espère que, depuis ce billet, tu as pu corriger un certain nombres de chapitres?
    A bientôt, bonne semaine,

    Sophie / Zadig

    (et peut-être que cela t’intéressera : j’ai écrit un billet sur l’écriture il y a peu, aussi =
    https://hellozadig.wordpress.com/2018/03/11/ecrire-un-roman/
    )

  4. Ma-L

    Mais pourquoi pas, si c’est l’émulation qui manque, rejoindre une communauté d’auteur? Ça ne manque pas, et le plus dur, c’est peut-être de trouver celle qui donne envie d’y rester. Je connais Cocyclics qui est un groupe de relecture active qui a vu éclore quasi tout les auteur de fantasy français de ces dix dernières années, et Oniris, qui est plus un modeste lieu de test pour des auteurs qui cherchent à déployer leurs ailes, mais il y en a sans doute des dizaines d’autres.

    (et sinon, oui, relire, c’est les 2/3 du temps d’écriture, au moins)

    1. Je pense que le propre de l’émulation, c’est que ça ne peut pas être constant, toute l’année 🙂
      Et j’ai remarqué que la plupart des communautés d’écrivains en France, que j’ai croisées en tout cas, sont beaucoup tournées sur la SF et la fantasy, ce qui n’est pas du tout mon genre. Merci !

  5. Je pense comprendre ce que tu veux dire… J’ai envie d’écrire un roman, j’ai à peu près toute l’histoire dans ma tête, mais c’est si difficile de poser les mots, et d’avoir un regard critique sur son texte, mais en même temps pas trop…
    J’ai écrit 6 pages pour l’instant, c’est peu je sais, mais déjà je me suis lancée, après des jours à me retourner l’histoire dans ma tête, à voir des idées partout autour de moi, à trouver un déroulement en me disant « mais c’est tellement évident, pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt ? ». Je n’ai pas, comme certains, prévu tous les chapitres de bout en bout, je pense être plus « jardinière », et déjà il y a peu de chances pour que je finisse ce livre (c’est un peu de la fantasy). Des fois quand je relis ce que j’ai écrit je me dis « mais il n’y a aucune émotion là-dedans ! ». Peut-être que c’est vrai, peut-être pas. Mais je crois qu’il faut se détacher de ça, sinon de toute façon on n’arrivera à rien.

    Alors je te souhaite bon courage pour la relecture et correction ! De par ce que j’en ai vu sur ton blog, tu as une très belle plume qui laisse transparaître beaucoup d’émotions, alors un roman je pense que tu peux le faire ! Crois en toi 🙂 (même si c’est pas forcément facile…)
    J’ai commenté plus tard, as-tu fini ce chapitre ? Je suis curieuse de savoir 😀

    Des bisous<3

    1. Allez fonce ! Si tu peux trouver un-e proche bienveillant-e pour te relire, moi ça m’avait vraiment rassurée, qu’on me dise au fur et à mesure de l’écriture que ce que je faisais était, au moins, intéressant. C’est difficile de livrer un texte brut à quelqu’un qu’on connaît, mais franchement, sans ça je ne pense pas que je serais allée au bout de mon premier jet.
      Courage en tout cas, et merci pour tes petits mots si gentils ! J’ai fini ce chapitre et même 5 autres depuis, mais là je suis vraiment crevée (SPM quand tu me tiens) et j’ai du mal à m’y mettre. On y croit !
      Bises.

  6. Fanny

    Ca me fait penser à Beauvoir, qui a décrit son processus d’écriture exigeant, je pense que c’est dans « mémoires…. » Elle passe un temps infini sur un premier roman, qu’au final elle trouve inconsistant.
    Je suis du coup très étonnée de voir que certains écrivent en quelques mois, alors que j’ai l’impression que la littérature, trouver son style, est un long processus.
    Bon courage, c’est un beau projet !

    1. Ça dépend beaucoup de comment la personne écrit et de ce qu’elle souhaite atteindre comme résultat. Certain·es vont se torturer pour que chaque mot ait sa place (comme Toni Morrison, par exemple), d’autres n’ont pas cette envie ou ce besoin ! Merci pour ton message 🙂

  7. Moi, j’adorerai lire ton histoire! Je trouve ça formidable que tu sois arrivée au bout du premier jet, que tu te remettes inlassablement sur le sujet. Je t’embrasse!

    1. Oh merci beaucoup ! Tes mots me touchent <3 bises !!

  8. J’ai publié mon premier roman au mois de mai dernier (en fait c’était le cinquième mais l’histoire ne le dit pas). Je l’ai réécrit deux fois. J’ai eu besoin comme toi de tout poser, l’oublier puis de revenir dessus et d’en faire un objet de littérature. je n’ai pas su le faire en une seule fois. Il est sans doute, comme le dit si justement Lynda, bourré de maladresses, mais il a le mérite d’exister. Il m’a permis de passer à autre chose, au suivant. Je ne te raconte pas les doutes, les gouffres, la rage mais aussi la joie immense et la fierté d’être arrivée au bout malgré ou peut-être à cause. Le chemin est long mais les trous sur la route font partie du voyage. It’s up to you!

    1. Wahouh bravo Nathalie ! Merci d’avoir laissé un petit message ici, je cours me remettre à mes chapitres à réécrire, avec encore plus d’entrain qu’avant.

  9. Julie

    On ne se connait pas, je lis votre (ton) blog avec plaisir et je ne te remercierai jamais assez de m’avoir fait découvrir My Dad wrote a porno. Bref, je me permets de commenter ton billet et surtout la phrase  » J’ai peur de ne pas y arriver et d’avoir mis tant d’énergie pour un résultat si décevant ». Quoi qu’il arrive, le résultat ne peut pas être décevant. Je t’admire énormément pour avoir écrit toutes ces pages, pour y revenir, pour ne pas lâcher (j’en suis pour le moment incapable). Et c’est déjà un résultat à part entière, avec sans doute des défauts, des doutes, des regrets, mais c’est un résultat admirable et digne de fierté. Vraiment, bravo!

    1. Aaah, je suis super heureuse que My Dad Wrote a Porno ait trouvé une nouvelle auditrice 😀
      Merci beaucoup d’avoir pris le temps de laisser ce message si encourageant. <3

  10. Eh oui, comme je l’écrivais il n’y a pas si longtemps, écrire le mot « fin », ce n’est que le début 🙂 Courage, tu vas y arriver, page après page, chapitre après chapitre. Et surtout, dis-toi que si ce roman n’est pas parfait (et il le sera sans doute, comme tous les premiers romans…), reprend un document tout neuf et repars sur un nouveau projet. Tu auras grandi avec ton premier roman terminé et publié, le second sera meilleur, le troisième encore mieux… et ainsi de suite.

    1. Je pense qu’aucun roman ne peut être parfait, de toute façon ! Je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin, mais avant de commencer un nouveau projet, je voudrais terminer celui-ci, enfin ! Merci pour ton petit mot.

  11. Allé, cette peur au ventre, finalement, c’est quand on tient très fort à quelque chose, non ?
    Je lis avec beaucoup de plaisir tout ce que tu écris là, alors je suis sûre que ce sera très agréable à lire !
    Bon courage,
    Alix

    1. Oui c’est probablement parce que c’est beaucoup trop cher à mon coeur. Alors ça vaut forcément le coup. Merci Alix ! <3

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