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Sa peau est sèche et ses doigts bleus, le froid qui l’a gercée continue de souffler son haleine gelée au dehors. À l’intérieur il fait beau, il fait chaud, sous un pull à grosse maille elle frissonne pourtant. Elle la sent, sous la douceur du mohair, cette peau de croco, les crevasses sur ses lèvres qui menacent de s’ouvrir à chaque sourire, alors elle ne sourit pas trop. Elle remplit la baignoire d’une eau fumante qui la rendra rouge écrevisse, d’une mousse éphémère, elle s’y plonge toute entière. Amniotique par-dessus la tête, un plafond de verre entre elle et le monde. Elle s’endort et sous ses paupières, elle rêve à l’été qui revient. À l’Italie, à d’autres eaux, vives et bleues, aux Campari, aux orteils dans le sable, aux robes qui virevoltent, qu’on détache, qui s’envolent.

À sa peau qui alors serait souple, dorée, brillante.

Ses cheveux relevés, humides, collent sur sa nuque en petites boucles. Elle rouvre les yeux bien grands, elle observe une tache au plafond, ses seins et ses genoux comme quatre îlots dans une mer d’écume à la fleur d’oranger. Depuis combien de temps est-elle là, combien de temps encore va-t-elle y rester ? Et par-dessus toutes ces questions, une autre, lancinante, en sourdine. Combien de temps lui faudra-t-il pour se réchauffer vraiment ?


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