Les portes du métro s’ouvrent et ils s’engouffrent, une petite main brune dans une grande main un peu ridée, aux ongles rongés, dans la rame presque vide. Un petit garçon, en passe de devenir grand, mais encore la bouche béante d’au moins trois dents manquantes, lève de grands yeux brillants vers le visage un peu buriné de celle qui ne peut être que sa mère. Il n’y a qu’une mère qu’on peut regarder comme ça. Ils échangent quelques mots à mi-voix, d’un air précipité, surexcité, c’est sûrement qu’une aventure les attend à la prochaine station. Sur son nez retroussé de petit garçon, ses lunettes glissent à chaque fois qu’il les remonte d’un geste absent. Toujours sa petite main retrouve son chemin, sa place, au creux de celle qui l’a nourri, changé, bercé. Dans un élan d’une force imprévisible, il se jette contre cette femme, l’enserre de ses petits bras, s’enfouit tout entier dans l’épaisseur moelleuse de son gros manteau d’hiver, de son étreinte généreuse. Elle pose sa joue contre le crâne de son fils, y dépose un baiser léger, de ceux qu’on dispense par milliers quand on est mère. J’ai envie, très discrètement, de demander à cette maman sa recette magique, il faut bien de la magie pour que son fils à la fois si petit mais déjà si grand, l’aime toujours autant. Ce serait un secret que je garderais au creux de moi, comme on préserve un grand cru pour qu’une fois la bouteille ouverte, il révèle tous ses arômes. Quand tu n’auras plus besoin de mes bras pour te soutenir, mon fils, j’espère que c’est ainsi que tu me regarderas.
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