38.

Dans la salle d’attente, je me demande d’où viennent ces gens, voûtés sur leurs sièges comme je le suis aussi. Sûrement malades, au moins un peu, ils ont les visages vides des gens de passage. Où iront-ils quand ils sortiront du cabinet ? Au travail, à la maison, à l’école ?

J’imagine que comme moi, tous ces autres entrent ici en ce demandant si leur maux sont inscrits sur leurs traits, s’ils seront scrutés. Je ne scrute pas, je vous le promets, je regarde du coin de l’oeil en observant le décor, il n’y a pas grand chose d’autre à faire. Je pourrais prendre mon livre, c’est vrai, mais peut-être que c’est à moi bientôt, peut-être que dans quelques secondes le médecin arrivera, avec son air bonhomme, et me dira « C’est à vous madame ». Il m’appelle madame, depuis bien avant que je sois mariée.

Aujourd’hui je viens parce que la piscine dans mon oreille s’en est enfin allée. C’est une visite de réjouissance, je me demande s’il y en a d’autres dans cette salle d’attente. Peut-être cette dame est-elle enceinte, peut-être ce monsieur est-il guéri. Peut-être tout cela n’était-il qu’une fausse alerte.

« C’est à vous madame », dit le médecin, alors je me lève. Je rassemble mes affaires avec beaucoup de maladresse — j’ai un don particulier pour m’étaler autour de moi en quelques secondes, je me demande comment font ceux qui arrivent à ne pas ôter manteaux et écharpes illico presto une fois les pas de portes dépassés. Il y a dans les salles d’attente des cabinets médicaux de nouveaux codes de courtoisie, on se dit « bonjour » et « bonne journée, au revoir » en murmurant presque, d’un air déférent, comme on ne les dit jamais ailleurs.

Où iront tous ces gens quand ils repartiront ?


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