2.

C’était une drôle de journée, du genre qui s’étiole plus qu’elle ne s’étire, des minutes longues comme des sanglots, l’attente serrée au creux du cœur. Depuis longtemps les vapeurs de café s’étaient envolées, il y avait sur le palais quand même, le souvenir d’une amertume un peu sucrée. Des notes d’orange et de noisettes, qu’ils disaient. Le tintement de la timbale en émail quand on la posait sur le bois de la table et le froissement du coton quand on tirait les couvertures pour se rendormir, encore un peu. C’était à se demander où étaient passées nos jeunes années, on croyait encore entendre le crépitement des bûches enflammées dans l’âtre de la petite maison en périphérie de la grande ville, la petite maison qu’on avait presque oubliée. L’hiver alors avait une couleur différente, plus chaude, moins solitaire. C’était ce qu’on se disait, dans le grand silence, mais est-ce que c’était vrai ?

La nuit tombait alors avant même qu’il ait fait jour. Vapeurs de café, le goût des noisettes grillées, à peine le temps de secouer la tête et déjà il faisait noir et on pouvait tout abandonner. Ou tout recommencer. Les lumières allumées rendaient tout les blancs dorés, au fond c’était joli. Au loin, soudain, une trille. L’oiseau qui chante en plein hiver, on n’y aurait pas pensé – est-il fou, le bougre, ou bien perdu ? Ou bien heureux, peut-être, un cri de joie ? On se sentirait presque un peu bête d’avoir attendu l’oiseau pour l’esquisser, le premier sourire de la journée.

Mais puisqu’il est là, ce sourire, autant en profiter.


Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *