Sortir de l’hôpital, pansement dans le creux du coude, larmes aux yeux, faim qui prend l’estomac en tenailles. Vérifier l’horaire – c’est ça, le vingt-et-unième siècle –, demander du bout des lèvres, « et si on allait petit-déjeuner là, dis ? », et marcher sous la pluie chaude de l’été qui touche (déjà) à sa fin. Ta main sur mon épaule, tes baisers sur ma joue. Retrouver notre café préféré. Ses tables de bois, ses vitrines aux pâtisseries fruitées, son tableau en ardoise, ses sourires. Commander le gros petit-déjeuner, celui des sportifs – on n’a qu’à inventer une autre définition au mot, une qui dirait qu’on est sportif parce qu’on affronte la vie. Le jus de fruits acidulé. Le bol de muesli au fromage blanc, aux abricots, au miel clair. Le café noir, le café filtre, le vrai café. Les marques retrouvées.
C’est l’ouverture, l’endroit est vide, on ne l’a jamais connu comme ça. On a l’impression de faire un peu partie de la famille, c’est silencieux, on écoute la musique, on se frotte les yeux et on se réveille à petites gorgées. Les livreurs arrivent, bras chargés de produits frais pour le déjeuner. Dans un coin, un enfant invente des plats du bout de son crayon magique, il porte un t-shirt étoilé, il est discret comme seuls savent l’être les petits absorbés par une tâche bien plus importante que les grands ne veulent bien l’imaginer.
Prolonger l’instant, l’étirer dans le temps. La wifi ne marche pas mais on s’en fiche ; on vient là pour tout sauf pour être connecté. On commande pour le partager un autre café filtre, celui qui fait deux tasses dans une petite cafetière, celui qui sent la noisette. C’est beau, de partager un café. La tasse blanche au centre de la table en bois, moi qui verse une cuillère de sucre roux, toi qui mélanges, regarder tes mains virevolter, regarder les gens aller, venir, les plats se préparer, et sourire devant la petite machine qui avale les pièces des pourboires.
Et le jour a mis longtemps à se lever, il a lutté contre la chape de nuages gris. Un peu comme nous. On l’a vu se lever – je l’ai regardé se lever en même temps que tu me regardais, au-dessus de notre petit-déjeuner. Le jour était gris et puis on l’a illuminé. On se sent bien, on se sent chez nous, dans cet endroit qu’on connait par cœur.
On a combattu le blues de la routine qui revient en retrouvant aussi ces coins de soleil cachés dans l’habitude, ces autres routines en bleu et or qui font dire qu’on est bien chez soi, quand même. On est bien, là. Devant cette tasse de café partagée.
C’est la rentrée.
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