Ce n’est pas le premier texte que j’écris, mais c’est le premier qui a déjà un avenir tout tracé (ou presque). C’est le premier livre parce que mes manuscrits précédents sont encore à ce stade, alors que celui-ci, il va devenir un livre, c’est sûr. C’est tellement sûr que j’ai signé un contrat. C’est tellement sûr que j’ai été payée pour ça. C’est pour de vrai de vrai.
J’écris un livre depuis octobre. Je traîne un peu des pieds depuis décembre. Il gît, à moitié terminé (ou peut-être un peu plus) sur une surface plane, entre le salon et la salle à manger (il n’arrive jamais dans le bureau). J’y pense. Je découvre que beaucoup de j’y pense donne naissance à un peu de j’écris. J’en parle. Moi qui rougissais d’évoquer l’acte d’écrire il y a quelques années, j’en parle maintenant. « Pff, ce matin je me suis pris la tête sur mon manuscrit… » Je ne sais pas si ça fait snob, ou si on n’a juste pas l’habitude de considérer qu’écrire des livres est un boulot.
J’y travaille. C’est cocasse, parce qu’écrire c’est mon métier, pis c’est aussi ma passion, et en fait il y a apparemment mille façons de conjuguer l’écriture, entre ces deux zones du diagramme de Venn. J’écris des fiches produits et des articles de blog et on me paye, j’écris des articles de blog et des histoires et je ne suis pas payée, pis là j’écris plein de mots à la suite, qui ne sont ni commerciaux ni fictionnels, et je suis payée aussi. Je suis payée quand même. Il y a quelque chose d’hyper important dans le fait d’être payée pour ce que je fais. Alors oui, je travaille. Et j’apprends que dans cette intersection très précise du métier et de la passion, il y a des moments glorieux, des moments romantiques, et des moments blasant.
Glorieux quand trois pages s’écrivent presque toutes seules. Quand je me relis et que je pense « Tain, elle est douée cette meuf », alors que la meuf c’est moi. (On vous l’avait dit : dans écrivaine, il y a vaine.) Quand quelqu’un me relit et me dit « Vache, t’écris bien ».
Romantiques, quand je vais écrire dans un café, et que j’observe chaque personne l’air de rien, portant en moi un secret sans aucune importance. (J’ÉCRIS !!! Eh oh, vous vous en foutez ou quoi ?!) Quand je jette mon manuscrit imprimé d’un geste rageur, et que ça me fait rire parce que c’est un truc d’écrivaine de série télé ça. Quand on trouve le titre de mon livre et que c’est si beau comme moment qu’il y a presque un rayon de lumière divine qui descend des cieux.
Blasant quand rien ne vient, quand à force de lire et de corriger j’ai l’impression que tout est si nul qu’il faudrait tout brûler, quand j’ai l’impression de trouver des idées mais qu’elles ne se raccrochent pas bien au wagon, quand j’écris deux pages que finalement je supprime.
Tous ces moments ont des couleurs que j’ai déjà vues dans tous les jobs que j’ai eus dans ma vie. Même dans celui où j’étais chargée de saisir soigneusement les horaires de dizaines d’ouvriers dans un logiciel de ressources humaines.
J’écris un livre et c’est fou parce que c’est mon rêve. Pis c’est aussi un job comme un autre.
(Bon, c’est surtout mon rêve. Je kiffe.)
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