Le retour de vacances un peu abrupt. Quitter la campagne, les balades au coucher du soleil, les tablées dans le jardin entre copains et les réveils embrumés après de courtes nuits. Retrouver le goudron, les bousculades dans le métro, à peine le pied posé sur le quai de la gare de ma grande ville natale et préférée, me demander pourquoi j’ai voulu rentrer.
Un jour sur deux je me réveille à l’aube, en même temps qu’un cher et tendre qui part travailler pendant que je paresse, un peu ou pas tellement. Un jour sur deux je bois mon café sous la couette, pendant que le chat s’étire à mes pieds et poursuit sa nuit dans la pénombre, je fais du sport, j’écris des choses et je trace des lignes de métro (ma nouvelle addiction). Et puis un jour sur deux, je dors trop, entends à peine ce cher et tendre me dire « bonne journée ». Les heures se succèdent dans le silence et dans l’attente d’on ne sait trop quoi, l’oisiveté ne me fait pas grand bien et j’ai du mal à créer. Pour m’évader je lis, je lis beaucoup. Je me demande ce que ça ferait, de n’exister que pour lire, et je suis un peu triste aussi, de ne pas arriver à me secouer, un jour sur deux, d’être engluée.
Dans ces jours à l’odeur de colle à papier, il y a toujours une plaque tournante. Un moment où le silence est trop fort, où on ne s’entend que respirer, et il y a toujours un déclic. Il est alors presque seize heures et la vaisselle n’est pas encore faite, je me lève enfin des tréfonds du canapé et je lance n’importe quelle playlist,pour meubler la blancheur ouatée d’une solitude vouée à ne pas exister longtemps — heureusement. Et il y a toujours un moment, un morceau, où ce qui pèse s’allège sans prévenir, où ma voix enrouée trouve une raison de chanter, pendant que mes mains pataugent dans l’eau savonneuse.
À chaque fois je me dis que je suis bête, qu’il aurait suffit d’allumer la radio avant, de chanter avant, de danser avant, puisque la musique adoucit tous les mœurs. Et à chaque fois cet instant décisif où je décide que toute cette gravité n’avait pas vraiment lieu d’être, où je décide de chanter à tue-tête plutôt que de ruminer, cette infime décision des tréfonds de l’inconscient me paraît comme une libération qu’il a fallu mériter.
J’en conclus qu’il n’est pas si grave de ruminer, ni d’attendre, ni d’être triste un peu sans raison parfois. J’en conclus que je n’ai pas toutes les clefs et ne les aurai jamais, qu’il y a beaucoup de choses que je ne peux pas contrôler. Mais d’un côté, tant que j’arrive à apprécier, tous les matins que le bon Dieu fait, l’odeur du café, les ronronnements du chat, la douceur des draps, alors j’arriverai aussi à mettre en route une playlist à l’éclectisme douteux. Elle finira bien par me faire chanter.
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