Ce matin pour la première fois depuis que je suis arrivée ici, les volets étaient fermés. Ce matin pour la première fois depuis longtemps, je me suis réveillée avec une certaine inquiétude au ventre, incapable de voir la couleur des cieux j’ai eu peur soudain qu’elle me déçoive, que l’automne soit déjà revenu et que la journée aie la saveur triste des heures travaillées.
Je me suis levée, j’ai rassemblé mes bits and pieces, je me suis faufilée hors de la chambre où j’ai laissé à moitié endormi mais souriant un amoureux ébouriffé. Et j’ai vu le ciel depuis la salle de bain – cette maison a le mérite d’avoir vraiment beaucoup de fenêtres – il était bleu, il était clair, et la lumière sublime de l’heure dorée matinale, celle que pour ma part je ne vois jamais, caressait déjà avant sept heures l’herbe rase et le carré de fleurs sauvages.
Je me suis dit en coupant la tomate qui garnirait mon déjeuner, que j’avais de la chance quand même, d’une manière étrange, inattendue.
Vous voyez, je n’avais pas prévu d’être là tout ce mois, je n’avais pas prévu de déballer mon gros sac sur le lit inoccupé pour m’installer vraiment, être ici comme chez moi.
Je n’avais pas prévu non plus de me lever chaque matin un peu après l’aube, alors qu’honnêtement, chaque été de ma vie jusqu’alors je m’étais levée tard, si tard. Je n’avais pas prévu d’être devenu quelqu’un qui prend son temps le matin, et qui aime tout autant le jus d’orange frais dégusté sous les vignes de la véranda que les instants solitaires à poser mon rouge à lèvres avec application.
Je n’avais surtout pas prévu d’aimer autant ces petits matins miracles, où quand il fait beau chaque minute s’étire lentement jusqu’à ce qu’il soit l’heure de filer à travers les champs de blé, Ray Charles croonant dans l’habitacle, les épaules déjà nues. Ce matin en me brossant les dents, j’étais irrémédiablement bien.
Je n’avais pas prévu tout cela et Dieu sait comme je déteste l’imprévu, et pourtant maintenant qu’on y est, que le chemin s’est tracé à mesure que je le foulais, je crois que je ne manque de rien, j’ai tout ce qu’il me faut. Des pêches bien mûres, du soleil, des gens que j’aime, et le bonheur indicible des matins d’été, élastiques et encore un peu frais avant que la chaleur s’abatte, un peu lourde mais attendue depuis si longtemps.
Comme dans un mélange parfait entre les obligations et les choses qui font vraiment rêver, je passe mes journées assise devant un écran et à la fin j’ai mal au dos, mais les fenêtres sont ouvertes et me parvient toujours la douce brise qui vient de la mer. Comme dans un songe, mes weekends sont pétris de lecture au soleil, de barbotage dans la piscine, de balades à travers les plus mignons villages. Il y a des fruits, il y a des glaces, et des salons de thé jolis. Il y a la certitude qu’après, ce sera le départ en vrai, pour les vacances presque comme quand j’étais petite. Que l’horizon enfin dégagé sent la lavande et le pois de senteur, que je sais où je vais.
Et dans mes robes oranges ou jaunes (je triche, ma robe jaune est une jupe, mais une si joli robe quand même), je tournoie chaque matin sur moi-même, les yeux écarquillés devant, je radote vous vous en doutez, devant la beauté des matins d’été.
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